La-Possonniere-Visuel-02

Le Pont de l'Alleud

Introduction
Le pont de l'Alleud franchit la Loire dans une partie où se trouvent réunis ses divers bras, hormis le Louet. II est un des plus grands ponts enjambant ce fleuve.

Construit par la Compagnie des Chemins de Fer d'Orléans, il se compose de 17 grandes arches de 30 mètres d'ouverture, de 16 piles de 3,50 m d'épaisseur et de deux culées de 17,75 m comprenant chacune une travée de 4m d'ouverture pour le passage des véhicules. Sa longueur totale est de 601,50 m. Etabli à l'origine pour deux voies de chemin de fer, sa largeur libre entre les parapets est de 8 m.

L'ouvrage était entièrement construit en maçonnerie à l'exception des tabliers métalliques des deux culées. Les travaux de construction ont été adjugés le 24 avril 1863 à monsieur Perrichon. La culée, côté Possonnière, et les sept premières piles seront commencées dans l'année. En 1864 toutes les fondations seront terminées et l'on a cons­truit les voûtes de 11 arches. Enfin en 1865, on a fermé les six dernières voûtes et achevé l'ouvrage. La construction du pont aura duré trente mois ! L'inauguration officielle de la ligne d'Angers à Niort a été célébrée le 24 septembre 1866.

Le projet du pont a été dressé par l'ingénieur Moreau, sous la responsabilité de l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées M. Croizette Desnoyers. M. Dubreuil, ingénieur des Ponts, réalisera dans toutes ses parties cet imposant ouvrage. Le fond est formé de sable plus ou moins mêlé de galets en partie basse, et repose sur des schistes et des grès du terrain houiller. Sur la première partie du lit, la sur­face moyenne du rocher se maintient presque horizontalement à des profondeurs de 3,75 m à 4,75 m en dessous de l'étiage. En milieu du fleuve elle s'abaisse jusqu'à 8,75 m à la 16ème pile.

Cette disposition du terrain a conduit à employer deux modes de fondations distinctes. Le premier pour les 8 premières piles ainsi que la culée rive droite fut réa­lisé à sec, par épuisement dans des batardeaux. Le second fut réalisé par béton immergé dans des enceintes de pieux jointifs pour le restant de l'ouvrage.
Les voûtes, surbaissées au quart, sont des ellipses. La naissance des courbes est placée à 1,87 m au-dessus de l'étiage de sorte que l'intrados s'élève à 9,37 m au-dessus du même niveau, soit à 3,20 m au-dessus de la ligne de crue de 1856.
Cette hauteur avait été imposée par l'administration pour permettre aux bateaux à vapeur de circuler dans la basse Loire, entre Nantes et Angers. Neuf cintres en bois seront construits et utilisés successivement pour réaliser les dix-sept arches. Chaque cintre a nécessité l'emploi de 197 m3 de bois.
L'ouvrage a été réalisé par des matériaux de petite taille, rendant la pose plus facile et permettant l'emploi d'échafaudages légers, et de réduire le coût de revient.
Les parements des socles des piles sont construits en pierre de taille et en moellons de granit de la carrière de Bécon. Les angles des culées, les avants et arrières des becs de piles ainsi que les bandeaux de voûtes sont en moellon piqué de calcaire de Pernay, près de St-Mars.
Les douelles des voûtes, les tympans et les surfaces de culées sont en moellon parementés à bossages, provenant de la même carrière. Le moellon brut employé pour l'intérieur des maçonneries est en schiste du pays. Enfin les plinthes et parapets sont en calcaire de Chauvigny, près de Poitiers.
Le pont achevé fin 1865 représente alors : 12 600 m3 de fondation en béton et agrégat et 24 600 m3 de maçonnerie au-dessus des fondations soit au total 37 200 m3.
II coûta pour l'époque : 822 400 frs pour les fondations, 817 900 frs pour les maçonneries, jusqu'au-dessus des plinthes, 141 700 frs pour les plinthes et les parapets, .202 400 frs pour les cintres et 151 600 frs pour les abords et travaux divers, soit au total 2 136 000 frs.

 

Les premiers trains passeront en 1866 sur une voie unique, alors que les élus des Mauges réclamaient fortement le passage à deux voies. Sa deuxième voie, il ne l'obtient pas de la Compagnie de l'Etat mais de la Compagnie des Chemins de Fer d'intérêt local de l'Anjou pour y faire circuler " Le Petit Anjou " cher au cœur des Angevins.

Le pont avait ainsi une vie paisible, se mirant dans le fleuve majestueux qui coulait à ses pieds. Les eaux tumultueuses, pendant les crues, et plus rarement les glaces, ne lui feront aucun dommage. Un contrôle régulier assurait sa santé.

 

02.Construction du Pont 1865
Construction du pont en 1865

 
 

Destruction en 1940 et réparation.
Le 19 juin 1940 à 17 heures le génie de l'armée française, pour ralentir les troupes ennemies, fait sauter les arches 14, 15 et 16 et endommage gravement l'arche 17. La pile 15 est quasiment rasée au niveau du socle de granit.

En septembre 1940 commençait la reconstruction, par les établissements Zublin et Perrière, des trois arches ainsi que la 15ème pile et la réfection partielle de l'arche 17. Fin octobre le coffrage de la 15ème pile est en place, elle est coulée début novembre. Fin novembre mise en place du coffrage de l'arche 16 avec étais et cintres en bois. En décembre mise en place de cintres métalliques pour l'arche 15. Début Janvier 1941 la Loire est prise par les glaces ce qui retarde les travaux.

En janvier et février de la même année la Loire est en crue mais les travaux avancent. Le gros œuvre béton est partiellement achevé pour la voûte 16 ainsi que le démontage jusqu'au bandeau de la voûte 17. En mars 41 l'arche 14 reçoit ses cintres métalliques, fin mai le gros œuvre béton des arches 14 et 15 est achevé, celui de l'arche 17 commencé.

Fin juin tout le gros œuvre béton était achevé. Il restait alors à mettre en place la plateforme supérieure qui devait recevoir les voies ainsi que la corniche et la balustrade. Les parements en pierre restaient à faire.

En Janvier 1942 l'ouvrage était achevé, les convois passaient déjà depuis quelques mois. L'estimation de la reconstruction du pont avait été évaluée à 7 millions de francs.

 

Destructions en 1944.
Après 1942 le pont connu un temps de répit mais la fin de la guerre sera pour lui une terrible épreuve. Les alliés devaient couper les principales voies de communication pour gêner l'ennemi et le pont de l'Alleud en fit les frais.

 

05-1945 Vue aérienne pont détruit
Vue aérienne du pont détruit en 1945

 

- Bombardement du 8 juin 1944 : sans conséquence.

- Bombardement du 10 juin 1944 : aucun dégât important. Un observateur a noté ce jour-là :
"8 bombes, elles tombent toutes en amont, un cratère de 10 m de diamètre à 20 m coté culée de Chalonnes, un cratère de 5 m de diamètre à 30 m côté culée de Chalonnes, une en Loire coupe le barrage à 20m de la 8ème pile, une éclate à 30 m de la 5ème pile, en Loire un cratère de 5m à 40 m de la 5ème pile, trois bombes sur la rive droite à 60 m du pont. Le parapet est détruit sur 6m et la plinthe est fissurée à la 5ème pile. Le parapet est détruit entre la 4ème et la 5ème pile et le téléphone est coupé."

- Bombardement du 13 juin 1944 : 5 bombes ; avec l'expérience des raids précédents les alliés se rapprochent de l'objectif, la voie est coupée en 4 points. La voûte de l'arche 17 est endommagée sur 15 m de long et 3 m de large.

- Bombardement du 15 Juin 1944 : deux arches complètement effondrées, probablement la 7ème et la 14ème. Une réparation provisoire est effectuée par le génie allemand à l'aide de poutres et de palées en charpente bois. La circulation est rétablie.

- Bombardement du 8 juillet 1944 : des dégâts insignifiants, immédiatement réparés.

- Bombardement du 9 juillet 1944 : pont coupé de nouveau à la 7ème arche et une avarie sérieuse à la 12ème pile, il n'y eut pas de réparation.

- Bombardement du 19 juillet 1944 : les arches 3, 8, 11, 12 et 13 sont coupées ainsi que deux piles démolies, la 7 et la 10, aucune réparation. C'est probablement ce jour-là que la passerelle de la culée de La Possonnière fut endommagée.

La 10ème travée tomba en Loire, à une date indéterminée, après les bombardements.

 

Reconstruction 1946/1948.
Lors de la reconstruction on a dû refaire la pile n°11, reprendre complètement 8 voûtes, et 3 piles ; en reprise à 70% trois voûtes, et en reprise de 10% à 20% le restant des travées hormis la 1. Le nouveau pont reconstitué ne différait en rien, ou presque, du pont initial. Dans son dimensionnement, seule la largeur entre balustrades se trouve légèrement augmentée, de 8m elle passe à 8,20m Sa structure par contre a été profondément modifiée au niveau des arches qui sont en quasi-totalité en béton. Un parement de pierre lui gardera son aspect d'origine. Les garde-corps sont en béton armé avec enduit incorporé Les douelles des voûtes reconstruites sont-elles aussi en béton armé, mais sans appareillage de pierre.

La passerelle métallique de la culée de La Possonnière est une passerelle de récupération : le tablier provient de la région de Saintes, le platelage strié du pont Résal et les garde-corps proviennent du pont de la Jonnelière. La passerelle ne sera conçue que pour une seule voie, la ligne du Petit Anjou avait bel et bien été supprimée.

 

L'ouvrage reconstruit a nécessité 3500 m3 de béton armé, 1000 m3 de béton ordinaire et 5000 m3 de maçonnerie. 400 000 heures ont été passées pour sa reconstruction. Ce furent les établissements Rangeard et fils, 11 rue de Madrid à Paris qui exécutèrent le travail de reconstruction du gros œuvre. Ils accusèrent réception de l'ordre de service le 8 août 1946.

Le montant de leur devis estimatif s'élevait à environ onze millions cinq cent mille francs. Les travaux s'échelonnèrent sur 21 mois et prirent fin en avril 1948.

 

08-Etat du pont, 1946
Etat du pont en 1946

 
 

Le pont vieillit mal - des travaux de consolidations.
Dans les années 1980 une arche fait paraitre des signes de faiblesses : écartement de la voute avec fissurations. Ce désordre apparait dans une des zones reconstruites après-guerre, des fers à béton on fait éclater la maçonnerie et des pierres de remblais risque de chuter sur la tête de pêcheurs ou promeneurs. Un dommage qui ne met pas en péril l’ouvrage, les trains y circulent toujours mais il est nécessaire d’intervenir pour que cela ne s’aggrave pas. Après un appel d’offre c’est l’entreprise de maçonnerie Cruaud, de la Possonnière qui est chargé de la réparation avec des ferrages fournis par Maurice Courant, le forgeron local. Il est indispensable de monter un grand échafaudage métallique pour avoir l’accès à l’intrados de l’arche qui doit être renforcée. Du béton sous haute pression est introduit dans la fissure et comble les vides. Malgré la période estivale à laquelle est réalisé ce travail, celui-ci fût perturbé par la montée des eaux de la Loire.

 

En 1999 une campagne importante est menée sur le pont de l’Alleud, afin de consolider quatre des 16 piles du Pont. A sa construction les piles reposent sur des socles en béton immergés dans des enceintes de pieux en bois. Mais la baisse incessante du niveau d’étiage de la Loire dû aux aménagements pour la rendre navigable et l’accroissement notable du courant, risquent à terme de fragiliser le pont et, comme celui du pont Wilson en 1978 à Tours, de le voir en partie s’effondrer dans le fleuve. Il est donc procédé au renforcement des piles 9 à 12, celles qui sont le plus sollicitées par le fleuve. La Loire à son niveau d’étiage coule principalement entre celles-ci. Les piles sont dégagées quand le niveau de l’eau le permet car une montée des eaux faillit submerger une grue. Des palplanches métalliques ceinturent les anciens soubassements et du béton et y est alors coulé.

 

31bis - La Loire en crue avril 2024 - Régis Verger (Flickr)
Le pont aujourd'hui. (Loire en crue, avril 2024)

 
 
Pour en savoir plus :

Le pont de l'alleud